Je prends les paris : vous avez tous déjà mangé de la baudroie. Pourtant, ce poisson n’est pas très engageant : une espèce d’énorme gueule festonnée de lambeaux de peau, d’une largeur à faire frémir n’importe quelle girelle, deux yeux à peine visibles au dessus… et un corps par derrière, qui paraît ridicule par rapport à l’immensité de la partie avant. Un vrai monstre.
C’est justement pour cela que le poissonnier se débarrasse de la tête et vous vend le reste sous le nom de : queue de lotte…
Et en plus, c’est une véritable entraîneuse ! Malheur au pauvre ingénu qui serait attiré par le filament (dit filament pêcheur) qui pendouille devant la gueule de cet ogresse : l’ouverture rapide de la gueule créé un courant tel qu’il se retrouve rapidement au fond de la gorge… avant de glisser vers l’estomac de cette chasseresse à l’affût. A ce jeu, elle est redoutablement efficace, selon les vieux pêcheurs bretons.
Mais… pourquoi « elle » ?
Et bien parce que les baudroies que vous verrez (si ! si ! on peut en croiser à 15-20 m en Bretagne…) sont des femelles ! Celles que vous mangez aussi, d’ailleurs… Le mâle est minuscule (3 à 5 cm) et il trouve très confortable de vivre aux dépens de Madame* : lorsqu’un mâle croise une femelle, il s’accroche à elle (il la mord !) et finit son existence sous forme d’un « parasite » à l’organisation simplifiée, dont l’activité principale est la production de cellules reproductrices.
Tenté ? Tentée ?…
Yann
* En fait cette histoire, que vous trouverez ça et là, est une arnaque… Les baudroies pêchées en Bretagne (Lophius piscatorius) sont mâles ou femelles, les femelles étant en moyenne plus grandes (jusqu’à plus d’un mètre !) que les mâles (maximum 50 cm). L’histoire racontée ici concerne un groupe d’espèces de baudroies (les ceratioides) vivant en profondeur, c’est à dire vers 800 à 900 m : plongée à l’air déconseillée…