Par Yves L.
Après une année d’enseignement comme initiateur, j’ai voulu franchir l’étape d’après et passer mon N4. Je me disais qu’enfin je pourrais emmener mes élèves en mer… A l’idée de relever un tel défi, je suis tout guilleret, même si tout le monde me dit que ça va être très dur. Mes niveaux précédents ne m’avaient jamais posé beaucoup de difficultés, et je n’ai donc pas beaucoup de point de repère.
Une fois inscrit, je reçois le fameux programme de nage de l’année… Des kilomètres de nage le lundi, des kilomètres le vendredi. Pour donner le ton c’est un mélange de distance à parcourir en mode rapide, très rapide, ou à fond. Des chronos à intervalles réguliers. On se dit que c’est le programme d’un grand sportif! J’essaye de noter mes temps, je me perds dans le compte des longueurs, et je suis incapable de mesurer quoi que ce soit.
Les premières séances sont dévastatrices : des crampes, des tasses, des courbatures. Heureusement que les copains sont là pour rigoler de mes temps pourris, du palmage hyper-mauvais et de travers (merci Romain). Un « j’avais dit à fond pas en récup » (merci Philippe) après trois milles mètres de nage manque de m’envoyer par le fond…
Après le physique, heureusement vient la pratique et la première séance à Bécon. Lever cinq heures du matin, arrivée neuf heures (avec ou sans gilets jaunes au péage). L’environnement est fantastique. 5°dehors, 16° dans une eau vert foncé pleine de feuilles mortes. Bizarrement, on est presque bien dans l’eau. J’ai démarré mon huit cents mètres beaucoup trop vite, avec une respiration hachée, et surtout une combinaison trop petite. Je me suis retrouvé sur le dos en train de chercher mon souffle, accroché à une bouée après le premier aller-retour. La honte ! Heureusement, on me remonte le moral avec « rentre sur le dos et souffle, tu feras mieux la prochaine fois » (merci Jean Baptiste). Un temps dramatique, au-delà de seize minutes, c’est très proche de l’élimination. Ambiance ! Dans la foulée, je m’essaye à la DTMR. Ma remontée est soit trop rapide, soit trop lente et on retombe…. L’exercice ne passe pas, et malgré un debrief interminable le dimanche matin à la fraiche, je ne vois pas comment m’y prendre !
Le deuxième Bécon est encore largement meilleur que le premier : 2° dehors, 14 dedans. Je pars avec ma combinaison trop petite, directement grande ouverte pour ne pas suffoquer comme la dernière fois, et je me retrouve à claquer des dents sur mon tubas. Je suis à nouveau la risée du groupe. Je n’avance tellement pas droit que je suis venu empiéter sur la ligne d’eau des MF2, pourtant trente mètres plus loin. J’ai fait au moins mille mètres au lieu des huit cents prévus, le tout sans jamais lever le nez. Je fais à nouveau un temps toujours presque éliminatoire. Pour apprendre à gérer le froid, je poireaute une demi-heure dehors, après les jeux nautiques, dans l’attente d’un binôme qui ne s’est jamais présenté. J’ai attaqué mes remontées en étant déjà bleu avant de re rentrer dans l’eau. Je n’ai pas réussi grand-chose ce matin-là.
Heureusement, la trêve hivernale, m’ a permis de me concentrer sur les longueurs de bassin et les cours théorique du CODEP, ou un véritable groupe de fondu de plongée m’a permis de reprendre confiance. Nous avions tous le même discours. Beaucoup de ratés, beaucoup de progrès à faire, beaucoup de questions. N’empêche que se l’avouer un samedi matin dans un sous-sol surchauffé, ça rassure…. Les cours théoriques s’enchainent les uns après les autres , une véritable promotion se forme, et on commence vraiment à se rapprocher, à se comprendre.
A force de régularité, et du soutien des prépa MF2 (merci Bernard, Gerard et Jean No), les séances de piscine s’enchainent et les résultats s’améliorent. Les chronos progressent, les crampes diminuent, et le moral revient. Je comprends enfin qu’il faut boire pour nager, et je m’enfile un litre d’eau à chaque séance. Je ne suis peut-être après tout, pas plus mauvais que les autres.
Au 3ième Bécon, j’essaye une combinaison toute neuve, enfin à ma taille. Les jeux nautiques se passent bien, alors que les autres élèves sortent frigorifiés les uns après les autres (1° dehors 12 dans l’eau, 10° à 40m). Je réussis même par accident une DTMR. Je me mets à fanfaronner, et la boum ! J’entame une IPD à 40. Je fais cinq démarrages de prise, toutes ratées. Narcose, froid, redescente à quarante-six mètres, je désespère, je m’énerve tout seul sous l’eau, je suis au bord de l’arrêt, j’empile toutes les fautes possibles et imaginables. Le retour au sec est dur, très dur, autant pour le froid que pour le moral. Une fois de retour à la maison, et après quelques perfusions de bonnes humeur(encore merci Bernard), je continue à tirer sur mes palmes heures après heures. Je commence à regarder tous les deux temps dehors pour garder mon cap, j’alterne le PMT, le capelé, le mannequin….
Début Mai, c’est le stage officiel de validation des aptitudes. Physiquement je me pensais au niveau, et bien raté ! Encore une séance pour me rappeler l’humilité. Pendant 4 jours (eau à 16°), nage, apnée, IPD le matin, DTMR et explo l’après-midi. Le soir , on nous achève après le diner, pourtant servi de bonne heure, par un debrief de la journée et une présentation des sujets pratiques du lendemain. Je découvre que le mannequin en mer avec un clapot transversal, on se noie tout seul très facilement. Je découvre aussi que nager un huit cents mètres avec comme seul point de repère, une barre métallique rouillée plantée sur un récif, c’est difficile. Je rate toute mes DTMR, jour après jour , et j’ai même droit à une séance de rattrapage personnalisé, pour quand même valider mon stage (merci Jean). Je reviens épuisé, mais survolté par l’ambiance du groupe. Des stagiaires qui en bavent pour beaucoup autant que moi, ressassant à chaque minute, le debrief de leur dernier exercice, la préparation du prochain. Un véritable esprit de promo se forme. Pendant les exercices de nage, les premiers ralentissent un peu pour permettre aux derniers de coller au peloton. Les plus costauds retournent en arrière, après avoir passé la ligne, pour aller encourager les suivants. On s’encourage mutuellement !
Puis vient le stage final. Déjà dans l’avion et le bus, l’ambiance est survoltée. Ça plaisante, ça rigole, mais c’est quand même très sérieux. Il ne faut pas trop en raconter sur cette dernière semaine, car une véritable magie s’y opère. Beaucoup de choses se mettent en place. C’est là qu’on passe de N3 plongeur autonome, à guide de palanquée. C’est là qu’on arrête de plonger pour soi, et qu’on commence à se soucier de la sécurité du groupe, de sa palanquée, du matériel, des briefings etc … Les efforts de l’année se mettent à payer, les temps s’améliorent (les 19° de l’eau et les paysages de Corse y sont peut-être aussi pour quelque chose,). L’équipe des encadrants (merci le CODEP 92) fait un boulot fantastique, repère ceux qui peinent et les conseille avec efficacité. Les cours du soir sont l’occasion de progresser encore et toujours, même dans une atmosphère de franche rigolade très potache, et de s’ouvrir complètement à nos futures responsabilités de guide de planquée. Qu’est-ce que j’ai oublié ? Est-ce que ma sécurité est nickel ? Est-ce que j’ai tout vérifié ?
L’annonce des résultats est un calvaire sur lequel je ne reviendrai pas. Il faut que les prochains puissent bénéficier de la même torture. N’empêche que lorsqu’on est finalement nominé, il y a un soulagement, et les visages se dérident. Quelques yeux se mouillent, car personne ne peut dire qu’il l’a eu sans rien faire, et pour la plupart, il a vraiment fallu aller le chercher ce N4 ! Pour la plupart, il est le fruit d’une année d’effort. La fête qui s’en suit, est une tradition de fin de stage. Ce qui se passe à l’Incantu reste à l’Incantu! C’est mieux comme ça! Il faut quand même imaginer qu’après tous ces kilomètres de nage, ces weekends entiers à se geler les pieds à Bécon, une quinzaine de samedi matin enfermé dans le sous-sol de Puteaux, et deux stages hyper denses, la pression a été importante. Une fois le précieux sésame en poche, on peut donner libre court à sa joie, et la fête ne s’est arrêtée qu’aux premières lueurs de l’aube.
Le N4 est une aventure aussi sportive que personnelle. C’est ce qui fait sa valeur ! A tous les N3, tentez l’aventure vous ne la regretterez pas !